Jan Hartman
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Le neutrum

[Le fragment de mon livre Heurystyka filozoficzna (L’heuristique philosophique)]

Pendant les quelques années que j’ai consacrées à la tentative d’une esquisse du projet que j'ai présenté sous le nom d’heuristique, j’avais considéré que le clou de cette entreprise, son instrument «opérationnel» (heuristique) devait être une conception entièrement structuraliste d’âme qui consistait à apporter à la langue philosophique une quasi-notion non dépendante d’une caractéristique uniforme qui serait «quelque chose», un «objet théorique», une certaine «forme», un «opérateur»... Par principe, cette «notion» devait éviter tout discours uniforme éclairant «son sens», «son emploi», «sa nécessité» et «sa signification formelle» - sa cohérence volatile étant garantie seulement par la vision de certaines traces d’un sens matériel, et cela uniquement à partir de certains points de vue. Ce qu’était une telle trace : que cette notion puisse poser un sujet de propositions grammaticales, que l’on puisse dire que son «identité» s’exprime dans certaines analogies structurales, des analogies et des similitudes aux différents rôles spécifiques, identiques à ceux que jouent certaines notions dans différentes théories. Ayant remarqué, dans le cadre de la pensée sur cette quasi-notion, le motif récurrent de son irréductibilité à toute détermination, le motif de sa nature opérationnelle supposée ainsi que sa complète neutralité dans sa relation à toute théorie possible dont le point de vue adopté devait justement posséder pour assise le sens «primordial» ou «propre», je l’ai nommé «l’élément neutre» ou bien encore «neutrum» - quelque chose de genre neutre. L’idée de la «neutralité» toutefois, en rapport avec l’idée de «quelconque» qu’elle contient, n’est que l’une des nombreuses idées que je voulais associer à d’autres dans cette «notion» du neutrum. Les structuralismes de Lacan, Foucault et Derrida appartiennent, dans une certaine mesure seulement, aux lieux peu nombreux de la tradition philosophique o_ les pensées de ce genre apparaissent ; auparavant, (chez Kant, Hegel, Nietzsche, Frege) il n’existait que des traces seulement d’une pensée qui prenne cette direction. Je considère l’entreprise et le développement de ce sujet comme l’une des voies les plus créatrices et les plus importantes de l’heuristique ; dans ce travail, cette «notion» ne pourra seulement qu’être posée.

Les intuitions structuralistes que j’ai en ce moment à l’esprit sont avant tout des idées telles que la notion de singularité de la structure, de l’élément neutre (emprunté aux mathématiques), celle de la case vide qui parcourt la structure, celle de l’objet = x et celle enfin de la différance. A l’origine de cette problématique qui prend corps grâce à ces notions, il y a la chose en soi et l’idée régulatrice kantiennes, le concept de médiation chez Hegel ainsi que toutes ces conceptions qui soulèvent le problème du sens de l’étreinte par un mot particulier de ce qui perd son sens dans le bavardage.

«La singularité de la structure» est une notion point de repère, de lieu, elle est ce relativement à quoi les autres éléments se déterminent d’une manière si distincte et si régulière (par exemple selon une fonction) qu’elle produit d’une certaine manière un contenu positif, ce qui signifie qu’il n’est point nécessaire de la désigner purement de manière relative : par exemple, l’origine d’un repère, des individus humains dans la structure des «phénomènes sociaux», les notions élémentaires mathématiques comme le centre de la figure, le centre de symétrie, le point d’inflexion d’une courbe, le sommet d’une figure, les extrema d’une fonction et de bien meilleurs exemples encore que pourraient donner des théories mathématiques plus avancées. Les singularités s’assemblent dans des séries et plutôt même génèrent des séries de notions théoriques aux qualités heuristiques éminentes, des notions autour desquelles se développent des théories. Le sens général de la singularité est peut-être rendu par l’intuition du «noyau de la cristallisation» : les singularités sont comme des formations de sens relativement stables et en même temps les sources de leurs transformations, ce qui les apparente au neutrum.

Soit un ensemble de notions, l’élément neutre, la case vide, l’objet = x, qui connote un moment particulièrement important de cette narration au sujet du neutrum. L’objet = x est un élément mobile de la structure, un surplus spécifique et formel de la signification qui prend ainsi différentes formes «en se remplissant» de la même manière que la case vide provoquant un mouvement dans la structure. Il n’est jamais «à sa place», il est toujours déplacé par rapport à lui-même, il ne se laisse pas «saisir». La «valeur» dans la structure des échanges économiques peut en constituer un exemple : elle n’est pas l’un des objets d’échange, elle ne pose même aucun quantum d’or mais s’exprime à l’intérieur d’un échange permanent, elle est comme la proportionnalité de la proportion elle-même. Pour généraliser encore cette abstraction, il est possible de dire que l’objet = x est le différenciant de la différence elle-même. Sa dérobade, ce déplacement par rapport à lui-même, le donne comme «notion» corrélativement à la différance chez Derrida ; il est comme une différance en tant que répétition de lui-même (car il inclut l’intuition de l’objet et donc pour le moins celle de lieu vide). Un déplacement relativement à toute signification de l’objet = x : sa différence est justement bien ce que Derrida appelle différance. L’objet = x se «retrouve» cependant toujours, cela signifie qu’il prend une forme différente en circulant dans la structure, que l’on peut comparer aux autres formes différentes de cette même équation (contenant une inconnue). La valeur «se retrouve» dans différentes séries comme l’or, les devises, le dollar, le pain... La capacité de mouvement de l’objet = x ainsi que sa nature formelle suggèrent la métaphore de la tache aveugle (Sollers), du truc, du machin, et comme telle le lie à la notion de l’élément neutre (comme le phonème zéro de Jakobson ou «la position zéro» de Frege) et à la notion de variable (d’o_ ce «x»). La difficulté particulière pour comprendre cet étrange statut de l’objet = x doit être rapportée à l’inclination à le confondre avec une fonction ou bien encore avec un analogue. Cependant, l’objet = x possède sa propre individualité symbolique, qui n’est ni analogique ni abstraite ; de plus, tout ordre structural possède son objet = x, toujours autre. Les différents ordres s’unifient, se lient d’une manière prescrite par le caractère de l’objet = x. Si j’achète à des indigènes leurs ornements pour de la verroterie, ces «bijoux» deviennent alors un objet = x qui circule entre les séries d’échange à la fois pour les indigènes et pour nous : pour nous en tant que «quelque chose sans valeur et possédant de la valeur là-bas», pour les indigènes en tant que «quelque chose possédant de la valeur et provenant de là-bas». Entre deux ordres structuraux, la relation de subordination et de prééminence économique s’établit sur la base de la circulation de la verroterie physique et de la verroterie-symbole.

Les relations entre les objets = x particuliers et la notion générale de l’objet = x ne sont pas claires. Cette dernière est l’objet = x d’un ordre très particulier qui est une théorie structuraliste. Accomplir cette généralisation de la notion d’objet = x possède un sens heuristique comme «manière de rappeler la consistance objective que prend la catégorie du problématique au sein des structures».

Généralement, ce en quoi la pensée structuraliste se rapproche le plus de la notion de neutrum est le travail heuristique de «la double science», autrement dit son exploitation et sa distanciation tout à la fois vis-à-vis d’un ensemble de notions propre à des discours particuliers, plus précisément vis-à-vis de l’ensemble des notions métaphysiques. L’aptitude à se mouvoir sur un espace compris entre le simple moyen affirmatif d’utilisation des notions et le moyen purement critique, qui s’exprime dans les représentations heuristiques du bricolage, du double geste, de la déconstruction, possède une signification décisive pour «la pensée non identifiante» du neutrum et pour l’apprentissage de l’utilisation de la notion de neutrum - à propos duquel il est dit qu’aucune expression n’est contentante et qu’il ne faut en accepter une malgré tout que lorsqu’elle renvoie distinctement à d’autres expressions possibles ainsi qu’à l’intuition. Si cette singularité de parole sur le neutrum ne doit pas exclusivement et irrévocablement être associée à de tels motifs heuristiques comme la recherche du Mot le plus important ou du mot-pierre-philosophale, à la dialectique de l’enquête sur les médiations qui culmine dans le retour de la Notion à elle-même, cela est d_ seulement à ce que l’heurésis structuraliste montre la possibilité d’une abstraction non métaphysique, des notions «hautement transformées» auxquelles d’ailleurs il n’est attribué aucun discours introducteur au caractère purement réflexif et critique, par exemple le discours de la connaissance de soi comme cela est le cas parfois en philosophie.

Cela ne signifie pas cependant que l’intention heuristique conduisant à la formation des très diverses notions de quelque chose de privilégié et de premier n’ait pas porté ses fruits dans la philosophie passée sous la forme de notions qui dépassaient, par leur élasticité heuristique, les notions clés métaphysiques ordinaires de la théorie philosophique comme l’être ou l’Absolu. Avant tout, ce sont les notions formelles, auxquelles on assigne dans la théorie un certain rôle heuristique, qui sont à cet égard signifiantes ; du côté de l’intention objective, on pose en général le sens de l’agent qui produit un mouvement (le mouvement de la pensée et de l’être). La plus classique de ces notions est celle de Dieu définie comme but métaphysique produisant un mouvement de création vers soi-même, et dans le même temps comme objet de déterminations exclusivement négatives (la théologie négative). Plus avancée au contraire dans le domaine de la réflexion heuristique est la notion de chose en soi avec sa fonction heuristique particulière de renforcement de «l’objectivité» du discours transcendantal ou bien de rupture de son inclination à l’autoréférence. Le plus grand apport de Kant dans ce domaine est cependant la notion d’idée régulatrice en tant qu’agent formel de l’ordre rationnel unifié qui sert en même temps d’instrument de sanction des prétentions fondamentales de cet ordre à l’objectivité - ce qui est développé dans la dialectique transcendantale ainsi que dans la critique de la raison pratique qui se servent toutes deux de cette notion d’idée régulatrice. De même, le formalisme («la régulativité») de la notion d’idée régulatrice, tout comme l’heurésis de l’utilisation harmonieuse et parallèle de la notion d’idée régulatrice en tant qu’idée (mode objectif) et de la notion d’idée régulatrice en tant que notion (notion de la critique de la raison - mode formel) est lié au neutrum. La collaboration d’un discours thématisant d’autres discours avec lui-même constitue en effet l’un des buts heuristiques essentiels de l’élaboration de la notion de neutrum. La portée d’un tel but se considère en ce que les habitudes heuristiques veulent qu’on traite des relations heuristiques entre deux structures notionnelles selon quelques modèles simples : ceux de la théorie de quelque chose, de la réflexion sur quelque chose, de la métathéorie, de la critique - reconnaissant l’espace séparant les deux structures comme l’espace de la distance critique. La critique kantienne fut la première tentative d’équilibration de cette relation heuristique réflexive simplifiée en intégrant la critique de la raison à son travail d’examen à l’intérieur de cette même critique. Bien s_r, ce fut Hegel qui, le premier, considéra complètement la diversité des relations d’un discours philosophique avec ses objets plus ou moins théoriques - les théories philosophiques elles-mêmes comprises. La notion de médiation possède une signification décisive pour un tel apprentissage. La notion générale de «ce qui effectue la médiation» serait une intuition très importante qui enrichirait la compréhension du neutrum. Le neutrum en effet indique précisément et distinctement sa qualité heuristique lorsque nous la comprenons comme le centre, l’origine ou encore le noyau d’une médiation continuelle entre des notions, le centre de la formation de toutes leurs relations réciproques. D’autre part, il faut se souvenir de la limitation présente dans la notion de médiation qui renvoie aux notions corrélatives de savoir immédiat et de retour chez soi de l’Esprit en tant que culmination de la réflexion philosophique. C’est pourquoi, il faut aussi prêter attention simultanément, en relation avec cette notion de médiation, à l’autre notion de centre que donne la pensée structuraliste - celle d’un centre comme faisceaux ou encore comme condensations dans lequel différentes notions sont données ensemble à l’activité du travail de la différence, dans lequel aussi naissent des notions «décentrées», des notions «déplacées» par rapport aux différentes notions métaphysiques présentationnelles.

Ce qui vient d’être dit dans les paragraphes précédents au sujet du neutrum doit certainement produire l’effet d’une introduction peu claire et créer cette impression qui d’habitude est à l’origine de cette question : «Mais de quoi au juste s’agit-il ?» Elle ne peut être autre cependant sachant que le neutrum n’est pas un objet de définition, qu’il ne se donne pas simplement comme un certain objet théorique lié à une méthode de recherche déterminée qui se proposerait, qu’il se ne se laisse pas non plus saisir à l’intérieur d’un «plan général» comme une chose ayant un simple statut ontologique ou heuristique (un statut d’idée, de programme, de méthode, de notion opérationnelle etc.). Chaque récit sur le neutrum constitue une entrée à l’intérieur du cercle énormément étendu des notions philosophiques qui sont à cet égard privilégiées - l’entrée en un lieu fortuit et en même temps la présentation du neutrum dans son travail spécifique pour qui le travail de la différence, le travail de la médiation et le travail de la construction théorique à l’usage d’une théorie concrète - chacun séparément - représente un exemple ou une manifestation.

L’explication sur le neutrum est dans un certain sens une explication de l’heuristique et proprement son allégorie. Parler du neutrum voudra toujours dire être limité grammaticalement, et en cela plus généralement heuristiquement, dans l’activité d’une parole sur un objet dans la signification de son existence à qui se pose en outre la question de sa manière d’être. «L’heuristique» cependant dénote un objet qui est un domaine de recherche et donc, la question, au statut général, relative à son type notionnel, est une question «sur son statut cognitif», «sur sa méthode», «sur son emploi». Parler de l’heuristique constitue une chance pour tout développement sur le neutrum en nous permettant de nous arracher à la contrainte grammaticale qui nous le fait voir comme un certain être ; bien plus même, parler du neutrum est une chance pour tout développement sur l’heuristique en nous permettant de nous arracher à la contrainte d’une parole sur elle qui la considérerait comme une quelconque science (dont on attendrait «une méthode», «un objet».). Le type de discours est cependant dans ces deux cas le même. - il s’agit d’un type de discours, au fond, très spécial et considérant sa matière (et donc considérant les besoins eux-mêmes de l’heuristique) contingent car il se conforme à des circonstances purement internes qui veulent que l’heuristique ou bien encore le neutrum soient expliqués à quelqu’un. L’impression que donne cette constante dérobade vis-à-vis d’une réponse claire, cette impression que donne un propos qui s’occupe de tout en même temps, constitue la conséquence de cette circonstance obligée, et il résulte de cette crainte que le lecteur veuille s’arrêter à cette circonstance particulière qui est trompeuse en raison de sa prétention à une intuition universelle et qu’il se dise : «Ah ! Il s’agit tout simplement de cela !» Malheureusement, ici aucun tout simplement ne peut tenir. Bien plus, nous opérons sur un fond o_ ces habitudes ne sont plus opérantes, o_, bien plutôt, doivent se soumettre à l’epochè certaines habitudes et banalités heuristiques au contact desquelles nous nous sentons en sécurité et «intelligents». Les avertissements qui apparaissent avant toute recherche d’une «pierre philosophale» - de la grande Notion, du Mot lui-même, de la machination qui conduit toute pensée vers la vérité, ou bien aussi l’antidote efficace contre toute faute possible - appartiennent à ces habitudes, de même que leur appartiennent les simples vérités heuristiques qui exigent de ne pas s’efforcer d’occuper une position issue de «nulle part», de ne chercher ni Panopticon ni théorie du tout. Essentiellement, ces avertissements sont comme des observations légitimes faites à un marcheur qui se dirige vers le sommet, qui, en tant que bon marcheur, connaît bien mieux leur sens que quiconque et qui, malgré tout, continue de marcher sans en avoir recours. Pour savoir pourquoi toutes ces remarques (et bien d’autres) sont proprement légitimes et jusqu’à quel point, il faut s’enfoncer plus loin que ne l’exige la simple certitude de leur légitimité, sans qu’il soit même déjà question de la simple compréhension de leur sens. Ma plus grande crainte en écrivant le travail sur l'heuristique avait pour objet l’influence freinante des habitudes et des banalités heuristiques et pourtant justement, cette ouverture au large espace des instruments heuristiques ainsi que l’aptitude à se mouvoir parmi eux, l’aptitude à un jugement critique du champ de leur emploi, constituent l’une des voies les plus importantes de ce travail. Je crois que les esquisses heuristiques présentées sont un élément de la richesse de l’heurésis philosophique et ont permis de parler d’elle sans avoir recours à des formes heuristiques simples telles que la «description», «la création d’une théorie», «l’opération d’une réflexion critique». Les formes que doit prendre en considération l’heuristique sont aussi riches que celle de l’heurésis de la philosophie elle-même ; elles doivent en effet être contemporaines d’une avancée de la réflexion heuristique que l’heuristique rencontre dans la philosophie.

Se mouvoir dans la multiplicité des idées, multiplicité o_ nul ne possède la priorité, excepté ce qui se donne soi-même par rapport à son contenu et à l’idée de totalité qui apparaît dans un cas donné : cette aptitude clé, nécessaire à l’explication de l’idée heuristique, se laisse maîtriser, d’une manière spécifiquement condensée, dans le discours qui détermine la notion du neutrum.

La découverte du neutrum, s’il est permis d’utiliser le terme «découverte», est le résultat d’une expérience intellectuelle qui met en évidence l’inaptitude de toute notion à occuper une position centrale dans la pensée en général, de telle manière qu’elle reste avec toutes les autres notions dans une certaine relation heuristique de type principale - subordonnée. Tout prétendant à une position absolue - ce peut être une notion strictement métaphysique (d’un ordre purement objectif) ou formelle ou encore méthodologique (comme la notion de méthode universelle) - sera expulsé par une notion clé du discours o_ sera à l’oeuvre une réflexion portant sur sa position privilégiée. On atteint peut-être une certaine extrèmité lorsqu’une notion est construite de telle manière qu’on n’y inclut rien de plus que ce qui joue ce rôle privilégié - celui justement que l’on attend d’elle. Il n’est pas possible de préciser ici ce que peut être ce «rôle privilégié» car il s’agirait justement d’une particularisation que l’on veut éviter. Dans l’utilisation de ce terme cependant, nous n’évitons pas ses limitations spécifiques : celui-ci est dépendant de la notion de ce qui est privilégié et, outre cela, de la représentation heuristique qui voit que la généralité et le caractère formel de la notion sont la source de sa puissance heuristique et de son emploi le plus large (au prix de la perte d’une signification distincte). Le neutrum apparaît justement à ce moment-là, à savoir en tant qu’hypostase formelle de toutes les attentes heuristiques qu’on est en droit de nourrir au sujet de la notion clé d’une théorie, une hypostase mise en cause dans le même temps par un discours critique qui révèle le caractère inaccomplissable de sa prétention et l’impossibilité pour une telle notion de postuler une existence positive. Considérons le neutrum comme une notion fondée de cette manière dialectique - il s’agit en vérité de l’une des nombreuses manières possibles, se différenciant des autres toutefois attendu les exigences de toute explication. Considérons de plus le neutrum en tant que notion de quelque chose d’impossible ou bien en tant que notion d’utopie, la détermination d’un projet qui s’est reconnu lui-même comme inaccomplissable : tout cela est très particulier et très éloigné de l’idée d’une notion générale dont l’objet est ce qui se trouve dans une théorie ou dans un système philosophique en position privilégiée. Nous ne pouvons pas parler d’un neutrum «en général» et donc, en tant qu’objet du discours présent (le neutrum «en général» ne peut signifier rien d’autre qu’un «neutrum ajouté à un discours conduit par l’idée heuristique de réalisation des généralités») celui-ci est «impossible», il est une notion «de projet inaccomplissable» - le neutrum est tel seulement dans le cadre précis d’un certain projet inaccomplissable dont le centre établit un certain mode du neutrum. Cette remarque suggère une observation importante, à savoir que le discours qui s’efforce de défendre le neutrum contre tous ces reproches, et donc de défendre le sens de son intégralité (les liaisons des principes aux différentes choses grâce à sa notion ou pour le moins grâce à son nom) doit le donner comme une certaine multiplicité de notions dont les éléments particuliers assument pour ainsi dire en eux et prennent sous leur responsabilité tout défaut. Le neutrum, en accord avec cette intuition, est «quelque chose au-dessus», il reste intact malgré les échecs, que soumettent ses modes. Cette proposition répond à la vision métaphysique d’un être qui est lui-même général par essence mais qui rentre dans des relations particulières avec d’autres êtres : il se manifeste en eux et crée certains processus par lesquels nous nous efforçons de le connaître unilatéralement et en son phénomène. Voilà comment se manifeste une proche parenté entre la notion purement formelle de ce qui se trouve en position privilégiée dans le discours (notion dépendant de l’ordre de ce que l’on nomme métathéorie) et une certaine représentation spéciale, objective (dépendant de l’ordre des constructions métaphysiques). Voilà en quoi consiste justement l’activité heuristique du neutrum et plus précisément son activité dans la sphère de l’heurésis structuraliste - parler du neutrum est un moyen de découverte de relations structurales entre des motifs qui dépendent de différents ordres. Ici, nous découvrons justement une relation entre la notion purement formelle, inaccessible autrement que par des particularisations imparfaites (dont l’imperfection ne porte pas atteinte à son sens mais le masque seu

jot@ka